Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

PrÉSentation

  • : Un monde parfait
  • : Etudiant en 1e année au Centre de Formation des Journalistes, Paris
  • Contact

Recherche

Archives

5 juin 2008 4 05 /06 /juin /2008 17:31

Le 28 mai dernier, Libération a publié mon reportage sur le 5e tournoi antiraciste de Sankt Pauli, dans la banlieue de Hambourg. Une occasion unique de pénétrer dans l'univers méconnu des Ultras d'extrême gauche. Voici ce périple conté dans son intégralité, décliné en huit épisodes (présentation et sept portraits d'Ultras de toute l'Europe).

L’un après l’autre, ils vont méticuleusement accrocher leur étendard bariolé sur le large grillage qui borde l’allée menant aux terrains du centre d’entraînement du FC Sankt Pauli, dans la banlieue nord de Hambourg. Les slogans antifascistes encadrent un énorme poing brisant une croix gammée, les blasons multicolores rivalisent de dates et de symboles. Déformation professionnelle oblige, ils ne toucheront au ballon qu’une fois leur devoir accompli. Pour le supporter ultra, le football passe après le rituel. Appartenant à une quarantaine de groupes, originaires de dix-huit pays différents, ils sont près de cinq cent ultras à participer en ce samedi ensoleillé au cinquième tournoi antiraciste de Sankt Pauli. Deux groupes français, les Bordeu Antifa (de Bordeaux) et la Horda Frenetik (Metz) participaient à l'événement.

 

Qui sont-ils ? «Il ne faut pas confondre ultras et hooligans, explique le sociologue Nicolas Hourcade. Les hooligans sont centrés sur la violence, ils marchent en bande informelle. Les ultras ont une forme associative, avec des cotisations, la visibilité des responsables, et leur objectif premier est l’animation du stade. Ils ont la volonté d’être des acteurs dans la vie du club, à domicile comme à l’extérieur.» La dimension politique, très présente chez les ultras historiques en Italie ou en Croatie, reste aujourd’hui secondaire. En cas de politisation, les groupes penchent soit vers un extrémisme de droite, soit vers l’antiracisme, «qui construit son identité en opposition avec les groupes fascistes, précise Nicolas Hourcade. Les ultras antiracistes ne sont pas forcément d’extrême gauche, ils se radicalisent souvent par compétition avec l’autre camp.» Dans ces structures souvent très hiérarchisées, le rapport à la violence est ambigu. Justifiée comme un moyen pour se défendre, elle n’est exclue par aucun groupe.

 

Pourquoi Sankt Pauli ? Club alternatif du quartier populaire et portuaire à l’Ouest d’Hambourg, Sankt Pauli s’est facilement imposé comme un lieu incontournable, tant il est mythifié par tous les footeux de gauche. Depuis vingt ans, enchaînant concerts de solidarité, manifestations, projets civiques pour les enfants et bastons avec les militants d’extrême droite pour les plus grands, les fans de Sankt Pauli sont à la pointe du combat contre le racisme. Tout en se pressant à chaque modeste match de Division 2 allemande au Millerntor Stadion, transformé en chaudron par 22 000 spectateurs assourdissants. La chaleur des uns est même devenu l’argument marketing des autres. «Pour vendre les places VIP, dit Josip Grbavac, directeur financier, on explique qu’elles sont dans la même tribune que les Ultras, la Kurve süd, là où il y a le plus d’ambiance. Et cela marche plutôt bien !»

 

Pourquoi un tel tournoi ? Ce type de rencontre existe depuis une dizaine d’années, le plus célèbre étant le Mondiali Antirazzisti lancés par les ultras italiens. «Mais c’est devenu une foire, il y a des syndicats, des ONG, près de deux cent groupes ultras, confie Heiko Schlesselmann, un des organisateurs. Ici, on ne retrouve que des gens vraiment impliqués dans la lutte antiraciste ou antifasciste.» En fait, entre le marché informel, où l’on achète le pin’s du camarade israélien des Ultras de l’Hapoël Tel Aviv, et le barbecue où la bière coule à flot, le tout ressemble plus à une kermesse entre initiés qu’à un meeting politique. L’Internationale des ultras cherche d’abord à compter et souder ses troupes, à prévoir les prochaines alliances, les futurs déplacements. La création d’un réseau baptisé «Alerta !», visant à réagir à toute manifestation raciste dans un stade européen, but avoué du tournoi, prend lentement forme au fil des réunions. La conférence sur les affrontements réguliers et les nombreux actes antisémites dans le football ukrainien, à la fin du tournoi, vient rappeler la réalité du terrain. 

Pour la petite histoire, les Skinheads de Sankt Pauli ont remporté le tournoi. Mais le football n'est de toute façon qu'un prétexte.

Mathieu Grégoire

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

Articles RÉCents

CatÉGories